Dauphins, Baleines et Oiseaux dans le Golfe de Gascogne et en Manche - Bilbao / Portsmouth / Bilbao - 12 au 14/09/08
Nous arrivons à Bilbao le 12... Nous sommes deux, venus du Limousin pour participer à la " croisière des Baleines " : Bilbao – Portsmouth / Portsmouth – Bilbao... Sur le quai, un énorme ferry, le " Pride of Bilbao "... Huit pont couverts et encore trois rangées d’escaliers extérieurs pour atteindre le niveau où nous nous installerons, en plein vent, pour scruter la mer...
Nous sommes là pour voir des cétacés et des oiseaux... Partout, les rencontres seront possibles, mais la quintessence du voyage, c’est les Tombants, là où le plateau continental s’affaisse brutalement en une immense falaise sous-marine pour laisser place aux profondeurs abyssales du large... C’est un milieu charnière où l’abondance de nourriture attire de nombreuses espèces, notamment les rorquals communs…
1er jour – Bilbao – centre Golfe de Gascogne.
Le bateau appareille à 14h00 environ... Derniers Goélands Bruns et Goélands Leucophées, derniers Cormorans Huppés dans le port de Bilbao, la ville la plus laide qu’il m’ait été donné de voir !... La mer est forte et grise... Du vent, du crachin, des creux de 8 mètres... Tout le monde est malade... Pas nous !... Nous ne quitterons plus le pont jusqu’à la tombée de la nuit...
Nous observons après une grosse heure de traversée nos premiers oiseaux, de nombreux Puffins Cendrés, quelques Puffins Fuligineux et deux Puffins Majeurs... Difficile de faire des photos : distance, pluie, tangage, lumière parcimonieuse…
Puffin Cendré
Puffin Majeur
Dans ce même secteur – il s’agit, si j’ai bien compris, de canyons sous-marins au large de Bilbao – première rencontre avec des cétacés : trois Ziphius de Cuvier, petites baleines à bec, sédentaires ici selon les spécialistes... Il y a d’abord un individu isolé, dont j’entrevois le dos café au lait... Puis, un peu plus tard, une femelle et son petit se montrent un peu plus longtemps avant d’être dépassés par le bateau..
Ziphius de Cuvier
Nous voguons vers les tombants que nous atteindrons en fin d’après-midi... Un groupe de trois Dauphins Blancs et Bleus nous fait patienter, à peine discernable dans le relief des vagues : photo pourrie...
Dauphin Bleu et Blanc
Quelques Mouettes de Sabine apparaissent, fantomatiques, entre le gris de la mer et celui du ciel, derrière le voile de la pluie fine qui tombe presque constamment...
Trop loin du bateau passent quelques Grands Labbes…
Un peu plus au nord encore et ce sont les premiers Fous de Bassan... Ils deviendront le fil rouge de la traversée, omniprésents d’un bout à l’autre de nos journées... Un Puffin des Baléares, seulement entraperçu, disparaît à ma vue devant la proue du navire...
Arrivée sur les fameux Tombants et premiers souffles... Il s’agit de jets d’eau vaporeuse, hauts de plusieurs mètres, très visibles, qui signalent sans coup férir l’apparition imminente d’une grande baleine...
Juste après le souffle, un dos sombre apparaît, glisse et roule sur la surface, s’allonge, encore un peu plus long, jusqu’à l’aileron qui annonce l’immersion et la disparition de l’animal... Ce sont les Rorquals Communs... Ils sont nombreux... J’en vois une vingtaine... J’imagine la même situation avec une vue qui porte sur une mer calme, mais les creux sont encore respectables et dissimulent probablement à notre vue d’autres baleines... Frustrant et stimulant tout à la fois...
Rorqual Commun
La lumière incertaine commence à vaciller... Tout est passé si vite... Au lit !... Dans un premier temps, la houle m’inquiète, je crains qu’elle ne m’empêche de dormir, tant elle me masse le dos à travers le matelas, comme si la couchette était articulée... Finalement, je suis bercée et, bien vite, je sombre dans un inconscient peuplé de dos noirs émergeant de flots gris…
2ème jour – Large d’Ouessant – Portsmouth
La nuit, insensiblement, nous a conduits au large d’Ouessant... Nous sommes sur le pont à 7h30... Changement radical, la mer est calme – juste une houle légère – et le soleil brille... Des bateaux en pêche un peu partout et d’énormes navires de commerce qui passent au nord, sur le rail... Partout, des Fous de Bassan...
Fou de Bassan adulte
C’est la journée la plus calme... Sur les hauts-fonds de la Manche, peu de cétacés... Jusqu’à Portsmouth, nous croiserons la route de seulement deux Petits Rorquals, très discrets en comparaison de leurs grands cousins de la veille : un souffle indiscernable, un dos court qui roule bien moins longtemps sur la surface, une vision fugace... Pas de photo, seulement l’impression d’en avoir fait et au bout du compte, rien sur le cliché !...
Le matin, nous observons d’assez nombreux Fulmars Boréals, mais ils sont très loin du bateau, et malgré la lumière je n’obtiens rien de bon...
Deux Guillemots de Troïl croisent notre route, filant au ras des vagues ; un Grand Cormoran passe au loin... La matinée est calme, seul l’espoir d’une rencontre insolite nous tient les yeux rivés dans nos jumelles... Quelques Grands Labbes rompent la monotonie...
L’après-midi, c’est la conférence qui réunit les naturalistes anglais et français... Nous nous y dérobons et restons sur le pont, seuls avec les Espagnols... Quelle bonne inspiration !... Au large des îles anglo-normandes, les Ibériques se mettent soudain à hurler, à applaudir et à se tomber dans les bras, au comble de l’excitation... Ils désignent un point qui nous est pour le moment caché par le poste de pilotage... Le bateau avance et je vois un large remous, assez loin à la surface de l’eau, puis un dos et un aileron... A l’aveuglette, sans savoir de quoi il retourne, j’ai le temps de faire quatre clichés médiocres... Les Espagnols crient dans leur langue incomprise de moi quelque chose qui fait penser à " Jubarte "... Je sais qu’il s’agit du nom d’une baleine, mais laquelle ?... J’ai la photo et je la montre... Elle confirme ce qu’ils avaient vus et dont ils doutaient presque, tant la rencontre était improbable : une Baleine à Bosse, rarissime en Manche, qu’ils ont vue sauter à l’avant du bateau... Les Anglais et les Français, quand ils apprennent ce qu’ils viennent de manquer, sont écœurés, dépités et presque assommés... Notre obstination à ne pas quitter le pont a payé !...
Baleine à Bosse
Plus loin, pas grand chose... Un Pingouin Torda, lointain, est dépassé par le bateau...
Des Sternes Pierregarins, en groupes parfois importants (jusqu’à 60membres), passent au large… En fin d’après-midi, nous observons un Labbe Parasite...
Et puis, c’est l’île de Wight, son contournement, et… Portsmouth... Il est 21h30... L’entrée dans le port est superbe, la ville aussi... Rien à voir avec Bilbao... Mariage harmonieux de zones portuaires modernes, de pelouses à l’anglaise et de constructions balnéaires typiquement britanniques... Franchement, ça vaut le détour... Depuis le pont, on dirait une maquette... Nous devons descendre à terre, le temps d’un " Fish & Ships " et d’un petit tour dans un centre-ville animé d’une ambiance méditerranéenne... Nous regagnons le bord à plus de minuit, après une attente interminable en salle d’embarquement... La nuit sera courte…
3ème jour - Nord Bretagne – Large de la Charente-Maritime
La nuit est passée... Comme la veille, nous sommes sur le pont à 7h30... C’est relativement calme pour ce qui est des cétacés...
Alors nous regardons les oiseaux... Il y a toujours autant de Fous de Bassan...
Fou de Bassan immature
Les Fulmars Boréaux deviennent de plus en plus rare...
Un Cormoran Huppé vole vers le bateau... La mer est d’huile et le soleil semble vraiment vouloir se montrer...
Un peu plus loin, nous observons des Grands Labbes, assez nombreux, et quelques Labbes Parasites...
Labbe Parasite
De petits points noirs se montrent à la surface de l’eau, capricieux : ce sont des Océanites Tempêtes, minuscules oiseaux de mer de la taille des hirondelles, photographies impossibles à la distance où je me trouve…
Un Puffin des Anglais fait une courte apparition à plus de cent mètres du bateau... Au loin, cinq Macreuses Noirs passent au ras des flots...
Deux Phalaropes à Bec Large, à peine visibles du fait de leur petite taille, s'enfuient à l'arrivée du navire...
Deux Puffins Fuligineux volent un moment vers le bateau, avant de bifurquer d’un seul coup, annihilant ainsi les espoirs de " belle photo " que je formais ardemment...
Puffin Fuligineux
Nous approchons des Tombants, mais naviguons toujours sur le plateau continental... Soudain, les cétacés " explosent " !... C’est en tout cas ce que je ressens... Pendant une heure trente environ, je ne vais plus savoir où regarder, ni quoi regarder... Ce sont d’abord des groupes de Marsouins Communs, peu démonstratifs et de petite tailles... J’en verrai plusieurs dizaines... Ils montrent seulement leur dos bombé et leur aileron triangulaire, nageant tranquillement en petits groupes...
Marsouins Communs
Deux Petits Rorquals, hélas très lointains, apparaissent ensemble à plusieurs reprises... Puis ce sont les Dauphins Communs, bondissants, expansifs et joueurs... Ils cherchent régulièrement à rattraper le bateau pour faire la course avec lui... Ils sont partout, j’en vois près d’une centaine je crois, en plusieurs groupes, mais je ne compte pas...
Dauphin Commun
Plus calmes et mesurés, ondulant et glissant sur l’eau, des Grands Dauphins – au corps tout gris – et des Dauphins Blancs et Bleus se mêlent à l’ensemble...
Grands Dauphins
Des Poissons-Lunes défilent le long de la coque, étranges et ronds, avec leur interminable dorsale qui perce la surface comme un périscope…
L’affluence me fait presque oublier les oiseaux... Pourtant, cinq Goélands Bruns en migration survolent un moment le bateau...
Goéland Brun juvénile
Un Labbe Pomarin, le seul observé pendant la traversée, suit pendant quelques secondes notre route...
Labbe Pomarin
Le plus étrange de tout – ça me parait même invraisemblable – c’est une Foulque Macroule, qui nage à quelques mètres du bateau dans une eau parfaitement calme, avant de se faire dépasser inexorablement... Que fait-elle ici, si loin des côtes ?...
Nous arrivons sur les Tombants... Toujours des dauphins et des marsouins, mais moins nombreux... Soudain, le premier souffle annonce le premier Rorqual Commun... Dès lors, j’observe une trentaine de ces baleines, à des distances variables... Mais les choses se calment très vite comme nous dépassons la zone cruciale... Un groupe de Globicéphales Noirs trop éloignés du bateau pour être photographiés, se montre à la fin, comme pour clore le spectacle...
Rorqual Commun
La lumière baisse... Pas un nuage... On m’annonce un possible " rayon vert "... J’ignore ce que c’est, on m’explique : quand le soleil se couche sur un horizon plat – une mer calme, par exemple – dans un ciel sans nuage, la dernière portion du disque diffuse pendant une fraction de seconde une lumière verte, avant la disparaition finale... Je me poste et j’attends… Quand je juge que le moment est venu, je mitraille… Pas de netteté, bien sûr, tant la luminosité est faible, mais je parviens quand même à immortaliser le phénomène, pas si courant que ça, d’après ceux qui me l’ont annoncé...
Je rejoins la cabine... Demain, nous nous réveillerons à Bilbao et tout sera fini...
Je reviendrai...