Préalpes de Grasse – Alpes maritimes (24 au 29 mai 2009)

Le vent tiède… Des voix qui résonnent un instant, rebondissent sur les murs encore chauds, et puis s’éteignent dans les ruelles sinueuses… Des hiboux petits-ducs qui s’appellent, de clocher à clocher, de platane à micocoulier… Un parfum d’acacia qui flotte, enivrant, comme un charme… Les cloches sonnent dix heures… La nuit peut s’asseoir… Il est temps…

Jamais je n’avais aussi profondément ressenti la paix… Les secondes passent calmement, sans urgence, comme le sang coule dans les veines… Je vais dormir…

Une semaine à Coursegoules… Nous logeons dans l’appartement le plus haut de l’immeuble le plus élevé de ce village pointu… Seul le clocher nous fait face… Au nord, la montagne du Cheiron, comme un tableau vert et blanc posé devant le ciel… Comme une bannière harmonieuse tirée d’est en ouest, pour fermer le passage… Comme un verrou sur un secret… Au sud, la montagne de Vence, son ubac boisé et ses circonvolutions… Aussi étrange dans son agencement que le Cheiron est accessible immédiatement à l’entendement…

Si je pars vers le sud, j’arriverai au col et je dominerai l’adret : garrigues, rocailles, thym, romarin… Un cliché admirable… Un paysage où j’aime me noyer pour me rassurer en vérifiant, la main dans la plaie, la réalité des archétypes qui me sont chers…

Contraste ! Dans la vallée, en bas : un chancre de béton recouvre le sol jusqu’à la mer…

En Haut, la fluidité, la liberté, l’espace… Là-bas l’empilement, le coude à coude, la vue courte et le bruit… Comment est-ce possible ? On croirait une représentation symbolique du paradis et de l’enfer qu’aurait rêvée un graveur fou de la Renaissance…

Je sillonne ce pays pendant une semaine, passant au détour des vallées des garrigues de Giono aux cités d’Orwell… Quel trouble à chaque fois… On croirait franchir des portes temporelles… Je respire et j’étouffe, je respire et j’étouffe… Je vais de Menton à Fréjus, de l’embouchure du Var au col de la Bonnette… Avec des haltes, choisies, dans des villages ou des lieux que j’aime… Que je connaissais déjà ou que je pressentais…
Villages, montagnes, végétation délirante de la côte, ruelles, eaux bleues…

Zones artisanales, échangeurs d’autoroute, aéroports, voitures…

J’ai du mal, en une semaine, à assimiler tous ces franchissements de sas, brutaux et incroyables…

Les matins, avec le jour qui se lève, je suis sur le plateau de Calern… Seul pour quelques heures… C’est au nord de Gourdon, au-dessus de la plaine de Caussols… Je me plonge avec ivresse dans cet univers minéral qui ne concède de place à la végétation qu’à condition qu’elle soit odorante… Mon pas fait tinter les cailloux comme de la vieille vaisselle et craquer les herbes sèches… Ici, rien d’amorti ni de souple… Rien de rond… Je m’enivre de mes propres bruits… Et les fleurs… Un gazon japonais qu’aucun jardinier n’arriverait à reproduire dans sa subtilité évidente…

Et puis les oiseaux… Ceux que je photographie… Ceux que je vois… Ceux que j’aperçois…

Au col de Vence, une heure passée avec une Fauvette Orphée qui a fait son nid dans un buisson au milieu des garrigues… Elle chante dans les arbustes, va et vient, furtive dans son royaume minuscule…

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Fauvette Orphée

Au col de l’Ecre, en descendant vers la plaine de Caussols, au pied du plateau de Calern, une Fauvette Babillarde… Probablement une des plus méridionales en France… Regardez son aire de répartition et vous verrez…

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Fauvette Babillarde

A la limite du Var et des Alpes-Maritimes, sous un pont d’autoroute, des Hirondelles Rousselines qui partagent ce site de reproduction avec des Hirondelles de Rochers, beaucoup plus nombreuses… On m’avait indiqué l’endroit… Photos difficiles : déjà imprévisibles, les trajectoires des oiseaux sont compliquées un peu plus par un vent assez violent… Sentiment de frustration et obstination plutôt stérile pour un résultat médiocre…

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Sur le plateau de Calern, nombreux Bruants Ortolans et Traquets Motteux… Presque inévitables… Les premiers dans les bosquets de résineux blottis au fond des avens, les seconds sur chaque muret, sur chaque tas de pierres…

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Toujours sur le plateau de Calern, une Caille des Blés… Chanteuse matinale… Repérée, approchée… Mais bien capricieuse… Elle se reste invisible dans l’herbe et ne dresse la tête que rarement, pour scruter les alentours… Une heure de patience… Un vrai jeu : où et quand va-t-elle se montrer ?... Me laissera-t-elle le temps de la mise au point et du déclenchement ?...

09 05 28 calern 1A Saint-Jean-Cap-Ferrat, le soir, peu de monde… Restaurant… Devant le port… Juste avant, pendant une heure, j’admire les nombreux Inséparables de Fischer qui peuplent les jardins publics du bord de mer… Ils filent comme des flèches, lançant des cris sonores de moineaux géants… Ils se posent sur les palmiers, parfois en groupes d’une dizaine…

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J'ai mal à la nuque à force de lever la tête… C’est le seul reproche qu’on puisse leur faire : ils se tiennent vraiment haut dans les arbres… Depuis quelques années ils se multiplient et étendent leur territoire aux communes avoisinantes, après que quelques individus ont été remis en liberté… Originaires d’Afrique, ils se sont parfaitement adaptés au climat local et rien ne semble devoir stopper leur expansion…
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Je vois aussi des Vautours Fauves : cinq sur le plateau de Calern et un au col de Vence… Des Fauvettes Passerinettes et des Bruants Fous, quelques paires de Craves à Bec Rouge à Calern, un Monticole Bleu sur la Grande Corniche au-dessus d'Eze…

Plusieurs fois, j’admire les évolutions bruyantes de couples de Circaètes Jean-le-Blanc, leurs membres volant de manière parfaitement synchronisée, longuement, au-dessus des garrigues…

Je vois bien d’autres espèces encore… Et puis des mammifères : cerfs et chevreuils autour de Coursegoules, Marmottes à la Bonnette…

Et puis je rentre en Limousin !…

 

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