Nord-est de la Norvège - Taïga (10 au 18 mars 2015)
To Rhelma and Graham
A few words in English, just for you… Thank you for the time we share and for your company… I hope someday we’ll meet again, maybe in
10 mars
Oslo, petit matin… Je ne verrai de cette ville qu’une zone artisanale où je passerai la nuit dans un petit hôtel bon marché… Et l’aéroport…
A l’hôtel, le matin, des dizaines et des dizaines de Choucas des Tours sur les toits… Bruyants… Une Corneille Mantelée en vol : premier « exotique »… Aéroport et décollage vers 09h00, dans les nuages… Survol de la Norvège que je ne vois pas… Et puis d’un seul coup, des centaines de kilomètres au nord du cercle polaire, le voile se fend et les paysages apparaissent… Mais c’est déjà l’atterrissage à Kirkenes…
Kirkenes (photo Wikipédia)
Je suis saisi par le froid et pourtant il ne fait que –
Je fais une cinquantaine de kilomètres vers le sud… Près des secteurs habités (épithète quelque peu excessive), des Grands Corbeaux, des Corneilles Mantelées (les plus nombreuses) et des Pies Bavardes… Autrement, rien ne bouge… Je roule dans un manteau blanc, sur une route blanche au milieu des bouleaux et des épicéas… Les lacs et les rivières sont blancs aussi, complètement gelés…
Et puis, l’arrivée nulle part… Seulement quelques maisons, même pas un village… Une rivière avec la Russie sur l’autre rive… Si vous avez une carte, cherchez Skogfoss et Svanvik, tapez à peu près au milieu et vous ne serez pas loin !…
BIRK Husky (photo internet)
Immédiatement devant la réception, il y a une mangeoire… Et ça attaque fort : 2 couples de Durbecs des Sapins, absolument pas farouches, des dizaines de Sizerins Flammés, un Sizerin Blanchâtre mâle et une Mésange Lapone frénétique et intermittente… Il y a aussi des espèces plus banales : Moineaux Domestiques, Mésanges Charbonnières et Verdiers d’Europe… Je n’arrive pas à m’arracher au spectacle, pas encore vraiment équipé, les pieds dans la neige, le nez au froid…
Durbec des Sapins mâle
Durbec des Sapins femelle
Sizerin Flammé mâle
Sizerin Flammé femelle
Sizerin Blanchâtre mâle
Je reprends mes esprits après une bonne heure d’observation et je pars m’installer dans la chambre… L’après-midi a déjà bien avancé… Quand je ressors, l’ombre a gagné tout le sol, seuls les pointes des arbres sont encore illuminées… Il est environ 16h00… Un cri que je ne connais pas retentit et attire mon attention… Deux Mésangeais Imitateurs au sommet d’un grand épicéa… Ils sont peu farouches, mais se déplacent sans arrêt… Je les suis tant bien que mal et finit par les perdre dans un bosquet de bouleaux qu’une trop épaisse couche de neige m’interdit d’atteindre…
Mésangeai Imitateur
Je traîne au milieu des arbres, dans le sous-bois clair, entre les rares constructions… Je vais au bord de la rivière et je regarde la Russie, de l’autre côté… A priori, c’est pareil qu’ici !... Une Corneille Mantelée traverse le ciel pour annoncer le coucher du soleil…
Je rentre au chaud… Je fais la connaissance d’un couple de retraités australiens, Rhelma et Graham… Nous partageons un « Käristuus » (ragoût de renne, légumes à la vapeur, purée et confiture d’airelles) et parlons pendant trois heures : météorologie, politique, nature, sport, assyriologie, terrorisme… Hormis le fait qu’ils vivent aux antipodes de moi et qu’ils ont des problèmes avec les kangourous qui mangent les légumes de leur potager, nous partageons le même environnement culturel : mêmes inquiétudes, mêmes perplexités, même curiosité, même ouverture… Qu’on vienne encore me dire que le « monde libre » n’existe pas !...
11 mars
Je suis sur pied à 5h00, en accord avec le soleil qui va bientôt se lever sur la Russie… Le jour est précoce, mais la lumière est bien faible… Elle commence timidement à mériter son nom à 6h00… Jusqu’au soir, elle sera rasante, parfaite pour peu qu’on la mette dans son dos… Le soleil vertical et plombé de midi, celui qui écrase les ombres et les reliefs, n’a pas droit de cité ici … Aux alentours de –
Un tour en voiture vers le nord, pour commencer… Un kilomètre après la maison d’hôtes, je tombe sur un groupe de 5 Lagopèdes des Saules qui s’envolent du fossé… Je pensais que l’espèce serait très difficile à découvrir… Eh bien, je me trompais !... Je me fais plus attentif et ça devient un jeu d'enfant… Quelques centaines de mètres de plus et je découvre un couple sur un talus, au bord d’un épais bosquet de petits bouleaux… J’approche doucement et les oiseaux partent se mettre à couvert, tranquillement, sans émotion notable… Ils ressortent un peu plus loin devant la voiture et j’en profite pour faire des photos…
Lagopède des Saules
Plumage hivernal, tout blanc… Le milieu occupé et l’absence de trait noir entre la base du bec et l’œil permet de différencier l’espèce du lagopède alpin, très proche… Je continue et un peu plus loin trouve encore deux oiseaux… Je suis comblé…
Lagopède des Saules
La route longe la rivière frontalière et je continue vers le nord… Une ferme rouge sur la gauche et une ligne électrique – ou téléphonique – avec un oiseau sur le fil… Je suis encore loin, je freine : jumelles !... Je m’y attendais un peu et je ne voyais pas de quelle autre espèce il eût pu s’agir, mais la confirmation est nette : une Chouette Epervière !... Comme pour les lagopèdes, je croyais que ce serait difficile… Seule la lumière manque au rendez-vous car il est encore tôt… Séance de photos…
Chouette Epervière
Sur le chemin du retour, je rencontre encore un lagopède, curieusement perché dans un arbuste, incongru dans cette position… La lumière est encore bien faible quand j’arrive au gîte…Le soleil s’extirpe de l’horizon russe, à travers les épicéas et les bouleaux…
Je rentre pour le petit-déjeuner… Et puis je ressors aussitôt pour traîner autour des constructions… A la mangeoire, l’affluence est supérieure à celle de la veille : 4 couples de Durbecs des Sapins et un Sizerin Blanchâtre sont de la partie… Une Mésange Lapone…
Mésange Lapone
Sizerin Blanchâtre mâle
Un Ecureuil Roux (gris ici en hiver) est de la partie… Il y aussi une femelle de Bouvreuil Pivoine et des Pies Bavardes bruyantes qui se déplacent aux alentours… Les Verdiers d’Europe et les Mésanges Charbonnières chantent !... J’observe aussi une Mésange Bleue qui fait un bref passage dans le coin… Plutôt rare ici, la reproduction n’ayant été prouvée que récemment…
Aujourd’hui, je dois faire du traîneau, avec des chiens… C’est la spécialité du gîte en hiver… Une soixantaine de Huskies occupent des niches individuelles, bien alignées, sur une esplanade proche des logements…
Autant le dire tout de suite, cette journée sera le clou de mon voyage… Un Israélien et un couple de jeunes Norvégiens viennent d’arriver de Kirkenes et me rejoignent pour la randonnée… Dan, notre « éducateur », est un étudiant anglais qui fait un stage en alternance ici…
Le soleil commence à être efficace… Il doit être 10h00… J’ai un traîneau pour moi tout seul et je commence, sur les indications de Dan, à atteler les chiens… Je vais éviter les détails techniques, ce serait fastidieux, mais le simple fait de découvrir les modalités d’attelage, la hiérarchie de l’équipage et les prééminences à respecter, eh bien c’est déjà de l’aventure… Le dépaysement s’installe et je me crois dans Jack London… Il ne m’en faut pas beaucoup plus…
Les chiens sont au comble de l’excitation… Ils tirent comme des dingues… Au démarrage, ils partent à fond et il faut freiner en permanence, pendant environ deux kilomètres… Après, ils se calment et tout devient plus fluide…
On peut se consacrer au paysage désertique, au silence et à la piqûre du froide sur le bout du nez, seule partie du corps en prise avec l’air extérieur… Je glisse dans un rêve…
Le soleil découpe tout avec des ciseaux d’orfèvre, il suffit de regarder du bon côté… Parfois la piste est bosselée et le traîneau saute sans arrêt... Parfois la côte est trop raide et il faut courir entre les patins, plus pour soulager les chiens que pour les aider… Je suis heureux…
Dans le film de David Lean, à la question que lui pose le chauffeur qui le raccompagne vers l’avion du retour en Angleterre, « pourquoi aimez-vous tant le désert ? », Lawrence d’Arabie répond, après une minute de réflexion « parce que c’est propre »… Je ne pourrais mieux dire…
Nous traversons des marais gelés, des rivières incertaines, des lacs immaculés, des bois clairsemés des bouleaux et d’épicéas rabougris… Je ne fais même plus attention aux oiseaux… La neige est fiable par endroits, gelée et solide, surtout sous les arbres… Ailleurs, particulièrement dans les zones marécageuses, on s’y enfonce jusqu’à la taille et il faut être vigilant pour maintenir au mieux le traîneau sur la piste tassée… On fait ça en se penchant vers le côté où l’on veut que se recentre l’engin…
J’en oublie les oiseaux… Je note seulement, lors de la traversée monotone d’un étang, une Corneille Mantelée qui houspille un Grand Corbeau, haut dans le ciel…
Nous arrivons à une cabane dans la forêt… C’est la halte, après 20 kilomètres… Un trou dans la neige, avec un feu, et des saucisses plantées au bout de baguettes de bouleaux, cuites dans les flammes… Nous sommes installés sur des peaux de rennes… Je mange une saucisse et je pars chercher les oiseaux…
Il y a beaucoup de mangeoires autour de la cabane et je suis servi… Nombreux Durbecs des Sapins, des Sizerins Flammés, des Mésanges Charbonnières… Quelques Mésanges Lapones et Boréales…
Mésange Boréale
Sizerin Flammé mâle
Mésange Lapone
Durbec des Sapins mâle
L’après-midi a bien avancé et nous repartons alors que l’ombre a déjà gagné pas mal de terrain… C'est moi sur la photo suivante, croyez-le sur parole !...
Retour aussi magique que l’aller… Nous arrivons au gîte vers 16h30… Je reste avec Dan pour récompenser les chiens d’un bout de viande – en respectant la hiérarchie – et dételer tous les traîneaux… Je ne peux plus m’arrêter !... Et la lumière meurt…
Le soir, repas et conversation avec Grahma et Rhelma… Une Suisse nous a rejoints, ainsi que deux ornithologues belges… La première est alémanique et les seconds sont flamands… Alors, tout le monde parle anglais…
Après le repas – omble de l’Arctique et glace au cloudberry , une baie orange, la plaquebière pour les Québecquois, pas de nom en français ! – je sors pour fumer une cigarette… Une arche pâle traverse le ciel étoilé, d’est en ouest… Je sens un truc et j’appelle les autres… Une gigantesque aurore boréale se développe sous nos yeux, verte et invraisemblable au-dessus de la taïga… Bientôt, les volutes occupent la moitié du ciel, descendant de l’arche initiale jusqu’à l’horizon, dans un mouvement vertical, calme et capricieux à la fois… Je suis étonné de voir qu’un autre phénomène, comme un grésillement silencieux, parcourt l’immense rideau de l’ouest vers l’est… Je n’arrive pas à faire de photos correctes… J’ai mon compact avec moi, je ne sais pas faire les réglages et il fait complètement noir… Il ne me restera pour souvenir de tout ça que cette lueur blafarde et mesquine, alors que le phénomène occupait la moitié du ciel et se manifestait avec la puissance d’un cataclysme !...
12 mars
C’est une journée plutôt calme qui commence… Je pars avant le petit déjeuner et prends la route de la veille… Encore des Lagopèdes des Saules… Et une autre Chouette Epervière, bien plus près du gîte que celle d’hier, encore sur un fil… Je rentre pour le petit déjeuner…
Et puis, aussitôt après la douche, je ressors marcher dans la neige pendant le reste de la matinée… Une grande boucle autour du gîte sur les traces des motoneiges… Ailleurs, je m’enfoncerais jusqu’à la taille… Je vois un Mésangeai Imitateur juste avant la dernière maisonnette… Il se déplace dans la végétation, jamais tranquille, et ne se laisse pas photographier facilement… Je ne croyais pas cette espèce aussi pénible à mettre dans le viseur…
Mésangeai Imitateur
Je suis bien… Je marche dans la forêt et la neige crisse sous mes pas… Je traverse des étangs gelés et des tourbières invisibles… Silence… Il fait beau et j’oublie les oiseaux… De toute façon, j’en vois très peu…
En début d’après-midi, je rejoins Rhelma et Graham qui font cuire des saucisses sur un feu, comme la veille dans la forêt… Je ne mange rien, mais je discute un moment avec eux…
Un Écureuil Roux s’active à la mangeoire juste à côté de nous…
Ecureuil Roux
Et puis, je pars en voiture, direction Svanvik… C’est un village une vingtaine de kilomètres au nord où l’on m’a dit qu’il pourrait y avoir des pics tridactyles… Je pose la voiture près de la maison du parc national et je repars à pied… Je longe des bois de bouleaux, mais je ne vois ni n’entends rien… Je commence à être crevé… Au retour, je découvre une mangeoire où sont rassemblés de très nombreux Sizerins Flammés et quelques Sizerins Blanchâtres…
Sizerin Flammé mâle
Sizerin Flammé femelle
Sizerin Blanchâtre mâle
Je retrouve la voiture avec bonheur… Et une Corneille Mantelée sur un fil juste à côté...
Corneille Mantelée
La lumière est presque morte et la température est basse… Je ne m’étais pas rendu compte à quel point j’avais froid…
Une journée banale quand on la raconte d’un point de vue factuel, puisqu’il ne s’est pratiquement rien passé… Et pourtant, j’ai l’impression de m’être rempli la tête avec des bouleaux, des épicéas, du ciel bleu et de la neige… De rêve !... Pour des mois !...
Le soir, après le repas, au moment de la cigarette, j’observe un embryon d’aurore boréale qui avortera bientôt… Juste le temps de prévenir les autres… Tout de suite après cette promesse trahie, je fonce me coucher…
13 mars
Je vais partir aujourd’hui pour le fjord de Varanger… Une dernière grande marche dans la forêt avant le petit-déjeuner… Mes derniers Lagopèdes des Saules… Les adieux à Graham et Rhelma qui partent aussi, mais pour Helsinki…
Et puis direction plein nord… 50 kilomètres pour rallier Kirkenes… La forêt, les lacs, quelques rares habitations… Jusqu’à Vestre Jacobselv, sur la rive nord du fjord, j’ai environ trois heures de route devant moi… Mais je ne suis pas pressé…
Liste des espèces observées :
Choucas des Tours
Corneille Mantelée
Grand Corbeau
Pie Bavarde
Durbec des Sapins
Sizerin Flammé
Sizerin Blanchâtre
Mésange Lapone
Moineau Domestique
Mésange Charbonnière
Verdier d’Europe
Mésangeai Imitateur
Lagopède des Saules
Chouette Epervière
Bouvreuil Pivoine
Mésange Bleue
Mésange Boréale