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Parc national de Monfragüe - Extremadura nord (24 au 25 mai 2011)

Au Centre Ouest de l’Espagne, pas très loin du Portugal, il y a L’Extremadura… J’étais au nord de cette région… Faible pression démographique… D’où une fluidité de circulation agréable… La campagne commence immédiatement où s’arrêtent les villes, jamais très grandes… Et quand je dis la campagne, je parle d’un lieu intact de nature et de cultures, vierge de l’intrication humaine qu’on connaît chez nous… Soudain, plus de maisons, plus de halles artisanales, plus de lotissements… C'est comme ça que j'aime les choses... Seulement quelques villages, distants et sagement repliés dans leur périmètre, respectueux de la place qui leur a été allouée… Liberté et harmonie...

Au nord de l’Extremadura, il y a la Sierra de Gredos, frontière naturelle au sud de la Castilla y Leon… Je l’ai franchie, et j’ai rôdé entre Caceres à l’ouest, pas très loin du Portugal, et Saucedilla à l’est… Avec le parc national de Monfragüe pour centre nevralgique, accueillant l’essentiel de mes tribulations… 

La région est avant tout un plateau, en tout cas c’est ce qui m’a semblé… Le plus souvent, c’est la dehesa, système végétal inhabituel pour un Français du Limousin : des pâtures couvertes de chênes-lièges et de chênes verts, clairsemés... Le tout donnant au bout du compte et paradoxalement l’impression d’un milieu ouvert… 

Vers l’ouest, en allant vers Cacérès, les arbres disparaissent et c’est la steppe… De l’herbe à perte de vue dans un monde plat, découpé de manière géométrique par des routes perpendiculaires aux axes principaux et qui mènent à des fermes invisibles… Pas marrant, mais exaltant, et de façon incompréhensible… Un désir de pénétration et d’investissement... Chimérique, frustrant et lourd de promesses à la fois… Seules les lignes électriques ou téléphoniques s’élèvent au-dessus du sol… Imaginez un peu : une ondulation envoûtante du terrain où la vue s’égare, où les repères disparaissent… 

Dans la dehesa, comme dans les steppes proches de Cacérès, des troupeaux de vaches, noires et menaçantes, semées au hasard des immenses étendues… L’Espagne ? sans aucun doute…

Si vous n’allez pas jusqu’à Cacérès, vous perdrez quelque chose… Une ville moyenne, avec à l’intérieur une cité historique, entièrement préservée et ceinte de remparts ocres… Un gros chat, ramassé sur lui-même, irréfutable et sans concessions… Ruelles, perspectives et surprises… Palais contigus aux églises ou aux cathédrales, aux monastères ou aux écuries… Comme un trésor qu’un géant étourdi aurait amassé et aurait là, juste après, en tas… Offrande improbable au hasard et aux souvenirs…

La parc National de Monfragüe, c’est avant tout le Tage (Tajo) qui coule vers le Portugal d’est en ouest… Il est rejoint par plusieurs affluents, dont le plus important est le Rio Tétar, descendu de la Sierra de Gredos… L’ensemble creuse le plateau… Pentes arrondies ou falaises... Des eaux sinueuses et calmes, larges et lentes… Un bleu profond, opaque et lumineux à la fois…

Depuis les hauteurs, c’est comme une carte… Au confluent des deux cours principaux, auxquels se joignent trois rivières plus modestes, on dirait que le sol a craqué, comme une couche de glace sur laquelle, depuis le point d’impact, des crevasses ont irradié en trajectoires tourmentées et aléatoires… Les rivières ont révélé des crêtes, dont les deux principales se font face sur des kilomètres, d’est en ouest, de part et d’autre du Tage… Et partout, les pentes douces alternent avec les falaises verticales… La dehesa vient échouer au bord de cet effondrement, mais la végétation demeure pénétrable… La vue est libre…

Plus à l’est, c’est à nouveau la dehesa... Et puis, après une vingtaine de kilomètres, une immense lagune proche de Saucedilla, excroissance quasi pathologique du Tage : l’embalse de Arrocampo de Almaraz… Le secteur n’est pas beau, mais d’un point de vue naturaliste, il peut s’avérer intéressant…

Je suis resté deux jours en chambres d’hôte à Villareal de San Carlos, au coeur même du parc… Impossible de trouver meilleur base… Il n’y en a d’ailleurs pas d'autre…

Changement de dimension : le temps ralentit, renâcle et repart en arrière… L’homme se fait rare et, du coup, devient supportable, voire intéressant… 

Et toujours cet immense respect des systèmes, probablement inconscient, jusque dans l’infiniment petit (il doit y avoir quinze maison à Villareal) : pas d’interpénétration… Les habitations s’arrêtent tout à coup et la nature commence aussitôt… La compacité de celles-ci libère immédiatement celle-là, elle exulte… J’ai retrouvé cette constante dans toute la partie intérieure de l’Espagne que j’ai parcourue à ce jour : Aragon, Navarre, Castille et maintenant Extremadura… Je fais abstraction des zones côtières qui ne sont aujourd’hui plus en Espagne, mais dans le « monde », dans le village global,, tout comme Antibes, Dubrovnik ou Agadir… L’Espagne intérieure possède une identité et une authenticité profondes et troublantes… Ses hommes aussi… Un voyage en Europe… Dépaysement garanti… 

Allons-y pour les oiseaux…

La dehesa et les steppes – Autour de Monfragüe

On va commencer par là, parce que c’est forcément par là qu’on arrive à Monfragüe qui est au beau milieu… Je serai relativement bref, n’ayant fait que traverser ce secteur en voiture…

On est franchement perturbé par ce type de paysages quand, comme moi, on vient du Limousin… Des prés parsemés d’arbres, à perte de vue… Parfois un Cerf Elaphe ou une biche apparaît dans une trouée… Ou un troupeau de vaches : couleur noir corrida ou roux écureuil, mélangés… C’est inhabituel… Mais ça s’étend sur une bonne partie de la campagne espagnole… Et peu importe le relief…

Scruter le ciel et les fils en bord de route… Même s’il y a sûrement autre chose à faire… Mais je n’avais pas vraiment le temps et je savais pas « me servir » de ce type de milieu… Je veux dire par là que mes yeux n’étaient pas entraînés…

Alors commençons par les fils : Bruants Proyers et Etourneaux Unicolores, très nombreux… Pies-grièches à Tête Rousse tous les cent mètres et Pies-Grièches Méridionales nettement moins communes…

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Pie-Grièche Méridionale

Quelques Tourterelles des Bois… Quelques Tariers Pâtres… Parfois une Buse Variable sur un poteau… Ou un Milan Noir

J’arrête un peu la voiture et j’écoute… Le temps de boire un coup… Pour peu qu’un bosquet broussailleux et un peu épais se dresse quelque part, des Rossignols Philomèles chantent… Des Pies Bleues apparaissent et disparaissent entre les troncs, en vol… Insaisissables… Il y a aussi des Pies Bavardes

Je lève la tête et je vois des rapaces : Milans Noirs extrêmement abondants, partout… Aigles Bottés… Un Circaète Jean-le-Blanc

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Aigle Botté

Et aussi des Vautours Fauves… J’en ai compté plus de 70 ensemble, en vol au-dessus d’un point que je ne pouvais distinguer, probablement un cadavre… Et d’autres arrivaient… Ce n’était pas très loin de Monfragüe…

Les Cigognes Blanches sont là… Arpentant l’herbe ou en vol… Sur leur nid aussi, quand elles trouvent dans cet immensité horizontale un pylône ou un bâtiment en ruine assez haut pour s'y installer… Sur la route entre Torrejon el Rubio et Cacèrés, je n’ai noté qu’un cas de nidification arboricole… Mais alors !… Neuf nids sur deux chênes verts côte à côte, des arbres de taille tout à fait moyenne… Les cigognes avaient niché dans ces conditions ici et nulle part ailleurs… Pourquoi ?…

Les cigognes font la relation étroite avec les zones de steppe, où elles se contentent des pylônes, dernier sacrifice désormais concédé à toute verticalité… Je dois dire que pas mal d’espèces sont communes aux deux milieux… Ici, j’ai vu un vol de Glaréoles à Collier d’une trentaine de membres, tournoyant en essaim près du sol, en chasse au-dessus d'un secteur précis dont je ne parvenais pas à découvrir l'intérêt particulier, juste en bord de route… Je me suis arrêté : pas d’eau pour caractériser cet endroit par rapport aux autres… Et des cris assourdissants…

J’ai observé de très nombreux Guêpiers d’Europe, partout où la terre sablonneuse affleurait… Et puis, sur un fil, un Traquet Oreillard… J’ai été surpris de rencontrer cette espèce dans un milieu aussi ouvert, ne l’ayant jusqu’alors observé que dans des paysages broussailleux… 

La ville de Cacérès –sublime –, et comme partout en Espagne : cigognes, cigognes, cigognes !… Mais également des colonies de Faucons Crécerellettes sur les grands édifices, comme dans tous les villes ou bourgs de la région où je suis passé… Ils sont là-haut, tournent au-dessus des tours, plongent entre les clochers et disparaissent à la vue…Pas si faciles à observer sans risquer un torticolis… Et dans les parcs, le chant des Serins Cinis, très nombreux, et des Merles Noirs

Le parc national de Monfragüe

Tout d’abord, c’est beau… Mais je l’ai déjà dit… Falaises… Pentes douces et bombées, s’arrondissant pour épouser les méandres du Tage ou de ses affluents… Des crêtes rocheuses au-dessus de l'ensemble… 

Végétation aux odeurs capiteuses… Plutôt rase… Une sorte de petite dehesa sur un tapis de broussailles… Dans un relief âpre et sans pitié…

A Villareal de San Carlos, rien d’extraordinaire… Rougequeues Noirs sur les bâtiments… Nombreux Moineaux Domestiques… Des Etourneaux Unicolores… Et des Hirondelles Rustiques qui nichent sous les appentis… Des Chardonnerets Elégants entre les maisons…

Au petit matin, avant que les oiseaux ne s'envolent, ils suffit de suivre la route qui sillonne le parc pour observer des Cerfs Elaphes et leurs biches…

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Impressionnant… J’ai également trouvé sur la route une Mangouste Ichneumon écrasée… J’aurais aimé voir à quoi elle ressemblait vivante…

Même si je le savais pour l’avoir lu, j’avais oublié que cet animal avait été introduit en Espagne il y a bien longtemps… Pour lutter contre les serpents…

On ne pénètre pas dans le parc… On le scrute depuis des belvédères qui font face au falaises… On considère qu’on est au loin ou qu’on est près selon qu’on distingue ou non un détail, qu’on réussit ou non une photo … Sur le Castillo on s’assoit sur un parapet au-dessus du vide, on est loin mais on voit tout… Je l’ai déjà dit… Alors on s’installe sur ce balcon, pour un moment, tranquille… On regarde les reliefs et on regarde le ciel… Parfois les yeux s’attardent tout près, sur un arbuste ou sur des rocailles…

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Je vous conseille « El salto del gitano » ou « El portillo del Tietar »… Et puis le Castillo, dont j’ai déjà parlé, qui surplombe « El salto del gitano »… Le premier site est superbe : falaise torturée tranchée de part et d’autre de son cours par le Tage… Des pitons jaillissant de l’eau bleue… Une merveille… « El portillo des Tietar », moins spectaculaire est cependant un spot incontournable pour l’observation des oiseaux…

Assis ou debout, on attend… Et ça vient tout seul… On scrute le ciel et les falaises… Et celui-ci vous conduit immanquablement à celles-là… Ou le contraire…

Les abords immédiats de votre poste d’observation vous paraissent d’abord bien calmes… Et puis, le chant des Rossignols Philomèles éclate, de tous les côtés à la fois… Un Troglodyte Mignon les accompagne quelques minutes, tout en bas dans la pente, au bord de l’eau… Une Fauvette à Lunettes se tient longuement sur une broussaille, silencieuse… Mon seul contact du voyage avec le genre « Sylviidés »… Un Pigeon Ramier passe au ras des arbres, juste en dessous de vous…

Merles NoirsMésanges CharbonnièresGeais des Chênes, comme chez moi… Un Coucou Geai se montre un instant sur un arbuste dans la pente, puis s’envole, vite perdu de vue au détour d’un escarpement… Plus tôt, c’était les Coucou Gris et les Pinsons des Arbres qui assuraient le lever des couleurs, alors que rien ne bougeait encore dans le ciel… Des Bruants Fous vont et viennent, remuants, se laissant parfois observer bien à découvert sur des rochers dénudés… Un Cochevis de Thékla dans les mêmes conditions… Mais je ne prêtais que peu d’attention à ces espèces…

Profitez des Pies Bleues… Elles sont habituées aux observateurs et - j’imagine - aux restes de nourriture qu’ils laissent traîner derrière eux… Peu farouches ici, inapprochables ailleurs…

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Pies Bleues

Si quelqu’un peut m’expliquer l’aspect de la calotte de l’individu de la photo suivante, je suis preneur…

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Et maintenant, levez-les yeux… Tout peut passer au-dessus de vos têtes… J’ai vu des centaines de Vautours Fauves… Le matin il s’élèvent depuis leurs falaises, tournent péniblement dans l'air encore froid et trouvent un courant porteur… Ils dérivent alors par petits groupes, tout droit, vers les cultures et les zones de dehesa… Parfois ils passent tout près de moi quand je me tiens au sommet du Castillo…

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Vautour Fauve

Les aires occupent presque toutes les vires des falaises et accueillent chacune un poussin à la tête et au cou pâles, bien plus bruyants que je ne l’aurais cru… Mais peut-être cette impression est-elle due à la forte abondance…

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Vautour Fauve

Soyez attentifs, des Vautours Moines se mêlent aux vautours fauves, mais ils sont nettement moins nombreux…

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Vautour Moine

Je dirais que pour trouver un vautour moine, il faut observer au moins cinquante vautours fauves…

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Vautour Moine

J’ai vu un nid, sur un arbre, au milieu d’un bosquet, dans une langue pentue qui descend en douceur vers le confluent du Tage et du Rio Tetar… Inexpugnable... J’étais très loin et, même avec la lunette, je ne distinguais pas le contenu de l’édifice… J’ai seulement vu l'adulte qui se posait dessus…

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Vautour Moine

Détaillez les crêtes des falaises : quelques vautours moines viennent souvent se poser avec les vautours fauves…

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Vautour Moine (à gauche) et Vautour Fauve (à droite)

Pas mal de couples Percnoptères d’Egypte… Enfin, quand je dis pas mal, je veux dire que j’en ai observé deux ou trois… Facilement reconnaissables pour les adultes, noir et blanc très contrasté… J’ai vu un adulte et un jeune,  posés ensemble au bord du Tage, à quelques centimètres de l’eau, sur une étroite bande de sable… Incongrus...

Partout dans le ciel, des Milans Noirs… Une Bondrée Apivore… Un Héron Cendré qui s’élève des rives du fleuve… Des Aigles Bottés

Sur les falaises, des couples de Cigognes Noires ont construit leurs nids…

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Cigognes Noires

On peut en observer sur les deux sites que j'ai visités… J’ai découvert plusieurs nids, avec chaque fois deux ou trois jeunes tout blancs à l’intérieur…

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Et des adultes qui vont et viennent, cerclant parfois avec les vautours…

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Cigogne Noire

J’espérais l’aigle ibérique et l’aigle de Bonelli, que je n’avais encore jamais vus…

Eh bien, je n’ai pas vu le second…

Quant au premier, l’Aigle Ibérique, je l’ai observé, mais dans des conditions auxquelles je ne m’attendais pas, exaltantes et frustrantes à la fois : un adulte et son poussin sur leur aire, découverts depuis le haut du Castillo, dans la pente arborées qui descend tranquillement vers un affluent du Tage, sur le côté du « Salto del Gitano »… Si loin !... Toute une matinée à attendre et l’adulte n’a pas bougé !… Un vrai truc de dingue !… J’escomptais un envol et un coup de chance… Qu’il vienne à passer près de moi…

Au bout du compte, seulement cette catastrophique digiscopie où je n’arrive même pas à déterminer dans quel sens l’oiseau tourne la tête… 

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Aigle Ibérique

J'ai quand même vu l'espèce... Et ce n'était pas gagné...

Les falaises accueillent aussi des Faucons Pèlerins… J’en ai vu quelques uns, alerté par leurs cris aux abords de l’aire… Des Grands Corbeaux, comme il va de soi dans un tel milieu… Et puis les hirondelles : Hirondelles de RochersHirondelles de FenêtreHirondelles Rustiques et Hirondelles Rousselines, abondantes… Des Martinets Noirs

Les Monticoles Bleus sont communs et cantonnés… Scéance de nourrissage juste sous mon nez, avec des jeunes bientôt volants qui pointaient leur bec hors de l’anfractuosité d’un rocher, s’aventurant parfois à découvert quand l’adulte leur apportait des insectes…

J’ai noté un couple de Pigeons Bisets nicheur sur les falaises… J’ignore quel sont le réel statut et l'origine de ces oiseaux… Celui de la photo n’est pas l’un d’eux… Je l’ai surpris dans le village de Villareal où il se nourrissait seul, au sol, alors que j’étais caché derrière un muret… Il s’est enfui quand je me suis montré, mais je doute fortement de son éventuel caractère "originel"…

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Pigeon Biset

Dans la tour du Castillo, j’ai noté la présence de deux couples de Craves à Bec Rouge qui entraient et sortaient continuellement par les fenêtres… J’ignore s’il s'agissait pour eux de « visiter » le bâtiment ou s’ils y avaient élu domicile…

Au pied de l’édifice, rencontre avec un Lézard Ocellé, énorme…

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Incontestablement, de petis airs d’iguane…

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Enfin, j’ai constaté la présence de centaines de nids d’Hirondelles de Fenêtre alignés à se toucher, sous les parapets des « barrages » qui coupent le cours du Tage et du Rio Tietar, de simples ponts en définitive dotés d’un système hydraulique… Formant une véritable nuée, elles chassent au-dessus de la surface de l’eau, juste à proximité de leurs colonies… Sur les berges, dans le même secteur, des Bergeronnettes des Ruisseaux et des Bergeronnettes Grises

Deux échecs cinglants : le grand-duc et l’aigle de Bonelli… Mais deux matinées, c’est court… Je reviendrai seul ici… Une semaine entière… Pour m’imprégner des lieux, les apprivoiser et laisser mes yeux s’habituer à l’environnement et à ses perspectives…

Embalse de Arrocampo de Amalraz – Réserve de Saucedilla

A une vingtaine de kilomètres à l’est du parc de Monfragüe, il y la réserve de Saucedilla… Juste au bord d’une retenue poussée là comme un chancre énorme sur le Tage… Pas joli : des terres pelées et parsemées de rares bosquets et broussailles, des petites lagunes avec leur roselière et une saleté de route qui traverse le tout… Je ne suis resté ici qu’une heure…

Depuis que j’étais en Espagne, j’avais questionné pas mal d’ornithos sur le moineau espagnol… Observateurs comme moi, Espagnols ou étrangers, rencontrés principalement dans le parc de Monfragüe, m'avaient parus plutôt pessimistes… Moi qui croyait qu’à partir d’une certaine latitude cette espèce devenait aussi commune que le moineau domestique !… Les réponses, quand il ne s’agissait pas de moues dubitatives ou d’yeux levés au ciel, étaient plutôt décourageantes : « très difficile », « très rare » et tutti quanti…

Un Français, plutôt pointu question oiseaux et qui parcourait l’Espagne depuis plusieurs semaines m’avouait qu’il n'en avait pas vu… Je me préparais au râteau… Quelques heures plus tard, dans Monfragüe, je retrouvais par hasard mon Français... Il me faisait part d’une info selon laquelle il y aurait des moineaux espagnols vers Saucedilla… C’est tout… 

Arrivé sur place, un tour à la maison du parc… Une hôtesse très sympa, qui parle anglais… On discute et elle me montre le « dépliant » français de la réserve… Délirant : le busard des roseaux est devenu « l’aigle des lagunes » et j’en passe… A mourir de rire !… Je lui propose de tout me balancer par mail et je lui ferai une traduction fidèle… Je lui parle du moineau espagnol et sa réponse est immédiate : jamais vu dans la réserve… 

Je parcours plusieurs observatoires à roselières… Sûrement très intéressants, mais je n’ai pas le temps… Je ne suis pas seul et je dois faire quelques concessions à ma moitié, pas spécialement passionnée par les oiseaux, surtout quand l’environnement est moche… C’est mes dernières minutes d’ornithologie… Les deux jours suivants seront consacrés à la visite de villes, en remontant vers la frontière…

La réserve mériterait quelques heures d’attention… Je ne jette qu'un coup d'oeil... La faune des lagunes est riche… Canards ColvertsFoulques MacroulesGallinules Poules-d’eau… Et surtout Talèves Sultanes, faciles à voir et manifestement abondantes… Hérons Cendrés et Pouprés… Blongios Nains et Bihoreaux Gris… Pas de photos de blongios, de bihoreaux ou de talèves : je n’ai observé ces espèces qu’au moment précis où elles disparaissaient dans les roseaux… Les observatoires son très bien, mais leur accès est dépourvu de toute discrétion, et bruyant… Je pense qu’il faut s’y poser un moment et attendre que les oiseaux aient oublié votre arrivée…

Le secteur est survolé par de pléthoriques Milans Noirs – comme partout d’ailleurs –… Je vois aussi un Milan Royal, le premier du séjour, et quelques Busards des Roseaux , également connus comme je viens de l'apprendre sous le nom d'« aigles des lagunes » !… Dans les roseaux, chants de Rousserolles Turdoïdes… Dans les broussailles, Rossignols Philomèles et Bouscarles de Cetti… En vol au-dessus des herbes, Cisticoles des Joncs… 

Chaque observatoire accueille des théories de moineaux… Malgré ce qu’on vient de me dire, je les passe au peigne fin : des Moineaux Domestiques, tous…

Dernier observatoire… De l’autre côté de la lagune un arbre en boule, littéralement recouvert de Hérons Garde-Bœufs… Une centaine répartis dans le houppier comme des fruits, comme des pommes sur l'arbre qu'aurait dessiné un gamin… 

Je n’ai pas vu grand chose ici, je vais rejoindre la voiture… Nous fermons l’observatoire…

Juste à ce moment, j'entends un cri de moineau et tourne la tête... Un petit oiseau s'envole vers un bosquet de tamaris… Je prends les jumelles et je fouille… Bingo : c’est un Moineau Espagnol… Last but not least !...

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Il collecte de la nourriture un moment et s’envole 500 mètres plus lolin pour s’enfoncer dans l’épaisseur d’un nid de Cigogne Blanche construit au sommet d'un grand pylône… Son propre nid est à l’intérieur de l’immense tas de branches… Au bout de quelques secondes, il ressort et revient dans les mêmes broussailles… J’observe le manège trois fois, sans qu’il daigne s’approcher plus de moi… Immense coup de bol… Et je m’en allais !… Incroyable… Je passe à la maison de la réserve et montre les (mauvaises) photos que je viens de prendre… La responsable ouvre des yeux ronds comme des billes… 

Adios…

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