Le causse Méjean, les gorges de la Jonte et du Tarn (4, 5 et 6 mai 2009)
Trois jours sur le causse Méjean. Dans un gîte rural, à la Viale, près de Saint-Pierre-des-Tripiers…
La vie à l’échelle humaine… Pas de promiscuité, pas de foule bariolée et bruyante… La fluidité avant tout, cette licence suprême de joindre deux points dans l’espace, sans obstacle et sans concurrent… Des maisons ouvertes, des chiens tranquilles… La sensation précise du pouvoir d’abandon : inutile de penser à faire attention… Attention à quoi ?... Pas d’importuns, pas de velléitaires ou de récriminateurs… Un peuplement rationnel et suffisant, pour faire sur la terre ce que les hommes devraient y faire…
Si je pense alors aux villes et aux humains qui les remplissent et dont elles débordent, mes semblables m’apparaissent immanquablement comme des poulets de batterie ou des veaux dans une stabulation… Volailles et bétails dont on aurait de surcroît augmenté la tragique destinée d’une couche de ridicule, les affublant d’oripeaux criards et d’obscènes apprêts … Foule caquetante, épineuse et sournoise, envieuse et amère… Foule sacrifiant aux rites modernes de la bonne conscience pour se donner l’illusion de retrouver quelques fragments d’une humanité à jamais envolée...
J’admets bien volontiers que la vocation d’Homo sapiens était de vivre en société… Sûrement pas en troupeau !...
Bref, j’ai sillonné le plateau de part et d’autre, sans contraintes…
Je voulais voir des vautours et j’en ai vus… Vautours Fauves omniprésents, particulièrement aux abords des falaises, à la confluence de la Jonte et du Tarn, là où le plateau lance un angle presque droit dans le vide, comme la proue d’un vaisseau titanesque… Le soir, je les ai vus se poser sur une vire inclinée et inaccessible, au milieu d’une interminable paroi verticale, les uns à côté des autres… J’en ai compté au moins cinquante…
Vautour Fauve
Je n’ai vu qu’un seul Vautour Moine, que je n’ai pu photographier tellement il était loin... Profonde déception... Je devrai revenir...
Les abords des gorges sont couverts de pins... J’y ai croisé des Mésanges Noires, des Grimpereaux des Bois, des Pinsons des Arbres, des Geais des Chênes, des Pigeons Ramiers et des Roitelets à Triple Bandeau... Sur les secteurs plus escarpés et rocheux, j’ai contacté des Bruants Fous...
Mésange Noire
Le long des falaises, les Craves à Bec Rouge et les Choucas des Tours, nombreux et bruyants, rivalisent de virtuosité dans leurs évolutions aériennes... Parfois un couple de Grands Corbeaux traverse paisiblement l’abîme…
Crave à Bec Rouge
Comme des flèches passent les Hirondelles de Rochers, les Hirondelles de Fenêtre, les Martinets Noirs et quelques Martinets à Ventre Blanc...
Je vois aussi dans ce secteur un Circaète Jean-le-Blanc qui se pose sur un rocher, des Faucons Crécerelles et, plus inattendu ici, un Busard des Roseaux qui glisse, tôt le matin, depuis les hauteurs du plateau vers le fond de la vallée…
Sur le causse, à l'intérieur, la campagne est sans concession… Pas de chancre crépi, pas de blocs de parpaings… Les hameaux sont de rocaille, dans la rocaille… C’est tout en harmonie, entremêlé sans violence… Comme une acceptation des constructions par la nature, patiente, acquise à petits pas et digérée à la fin…
Pelouses, boisements nains et caillasse… Je croise ici de nombreuses espèces : Coucous Gris, Corneilles Noires, Alouettes Lulu, Pics Epeiches, Mésanges Bleues et Charbonnières, quelques Hirondelles Rustiques, Merles Noirs et Rouges-Gorges Familiers, Tourterelles des Bois, Pouillots Véloces, Buses Variables assez peu abondantes, Bruants Jaunes et Zizi, Chardonnerets Elégants, Tariers des Prés, Serins Cinis et encore des Faucons Crécerelles… Aux abords des hameaux : Rougequeues Noirs, Verdiers d’Europe, Tourterelles Turques et Moineaux Domestiques…
Je rencontre aussi plusieurs couples de Perdrix Rouges. Les Rossignols Philomèles chantent dans les arbustes des haies, jour et nuit…
Plus loin vers le nord, vers Nivoliers, c’est un désert de pelouses rases et de pâturages, semé de quelques hameaux… Comme une minuscule Mongolie tressée de clôtures en bois… Des troupeaux de moutons, des bergers et leurs chiens… Une mer verte et grise ceinte par des collines rases couvertes de chaos rocheux, dont le plus spectaculaire émerge à Nîmes-le-Vieux…
Ici, les espèces sont typiques du milieu : Alouettes des Champs, Traquets Motteux et Pipits Rousselines, surtout… Aussi quelques Tariers Pâtres, Pies-Grièches Ecorcheurs et Linottes Mélodieuses… Et de rares Etourneaux Sansonnets…
Alouette des Champs
Traquet Motteux
Aux abords d’une bergerie, j’observe longuement un Torcol Fourmilier qui chante sur un poteau de bois ou sur de rares arbustes…
Torcol Fourmilier
Dans le ciel passent quelques rapaces : Milans Noirs et Royaux, et toujours les Crécerelles…
J’observe une femelle de Busard Cendré perchée sur une clôture… Je vais la photographier, elle ne bouge pas… Mais dès que je lève l’objectif, elle s’envole et disparaît derrière un relief.
J’ai plus de chances un peu plus loin avec un couple d’Alouettes Calandrelles… Je ne m’explique toujours pas comment j’ai pu repérer ces petits oiseaux ternes sur un sol aussi terne… Je m’allonge dans l’herbe et je rampe… Impossible de faire une mise au point correcte avec l’autofocus : la végétation rase s’interpose entre moi et mes proies… Mais si je me lève un temps soit peu, elles s’envolent… Le supplice de Tantale !
Alouette Calandrelle
Sur un versant pierreux, j’observe longtemps un Monticole de Roche... Superbe rencontre sous un soleil absolu…
Monticole de Roche
Voilà trois journées d’errances sur une terre qui me convient, où je me glisse comme dans une peau… Je reviendrai étancher ici ma soif de solitude…