Nord-ouest de la Corse (24 - 31 mai 2008)
24 mai
Nous quittons Toulon en début de matinée... Le ferry est grand, la mer calme, le ciel gris… Une pluie fine, intermittente : frustration météorologique...
Pas grand chose sur l’eau... Au large de Toulon, un Puffin cendré rase les vagues, loin, indistinct, presque fantomatique...
Puis, la monotonie, et rien pendant des heures, jusqu’à ce que les côtes corses se dessinent à l’horizon... Je scrute pourtant la mer et je vois un jet d’eau qui s'élève soudain à la surface, assez loin du bateau... Aucune équivoque possible : une baleine !... Mais laquelle ?... Je ne verrai rien de la bête et je resterai sur ma faim.... Il faut dire que je n’y connais rien en cétacés...
En approchant d'Ajaccio, j’observe à nouveau quelques Puffins cendrés, en petits groupes, posés sur l’eau terne ou en vol... Le temps reste brouillé...
Débarquement et, aussitôt, direction nord, le golfe de Porto... Pluie insidieuse, mais le ciel se découvre lentement... Le paysage est varié, assez proche de ce que j’imaginais... Végétation superbe...
Et puis, juste avant Porto, traversée des calanches de Piana... Le choc !... Les couleurs, les formes, jamais rien vu d’aussi beau... Roches abruptes, tourmentées et ocres, mer bleue aux nuances infinies, avec sur l’ensemble, en contrepoint, les touches vertes des arbustes et des plantes...
Après Porto, remontée par une corniche du même tonneau... Quelques kilomètres encore et c’est Partinello, la location et... la douche !... Dans le jardin, un couple de Gobemouches gris très confiants, des Verdiers d’Europe, des Chardonnerets élégants, des Merles noirs, des Serins cinis et des Mésanges charbonnières et bleues...
Gobemouche Gris
Je vais au fil des jours découvrir l’abondance extraordinaire des Gobemouches, principalement à basse altitude et dans les jardins des villages…
Le soir, retour à Porto, pour manger... J’observe sur la corniche, depuis la voiture, plusieurs Monticoles bleus, chanteurs ou non... Je m’arrête….
Monticole Bleu
Porto : tout petit port encaissé au pied des falaises, au fond du golfe... Je note une colonie assez importante d’Hirondelles de fenêtre, des Tourterelles turques et de nombreux Moineaux cisalpins, population hybride (moineaux domestiques et espagnols), hégémonique dans toute la Corse...
Et puis, c’est le coup de bol, le gros… Trois Goélands d’Audoin viennent barboter entre les bateaux, alors que je fume une cigarette, assis sur le quai... Il s’envolent, tournent dans la rade, reviennent… On dirait qu’ils m’attendaient... Pendant tout mon séjour sur l’île, je ne verrai que ces trois individus, mais je les verrai chaque fois que je viendrai à Porto... L’un d’eux traîne à la patte un fil de pêche incongru, mais il ne paraîtvraiment pas s’en soucier...
Goéland d'Audoin
Retour à la location à la tombée de la nuit... Quatre Petits-ducs scops chantent tout près, invisibles dans les fourrés ou les grands eucalyptus... Un Engoulevent d’Europe fait entendre son chant comparable aux grésillements d’une vieille radio mal réglée et passe au-dessus de la maison dans la clarté mourante... Tous les soirs le concert aura lieu, immuable, avec des Petits-ducs toujours invisibles !...
25 mai
De bonne heure le matin, dans le village, j’observe deux Venturons corses posés sur un fil... J’entends également les chants des Troglodytes mignons et d'un Rouge-gorge familier. Les Bruants zizi sont vraiment abondants, ce qui se confirmera partout pendant le séjour... Quatre Buses variables cerclent au loin, avec les montagnes enneigées pour arrière-plan...
Aujourd’hui, départ vers le nord, la côte, Galéria, l’embouchure du Fango... Partout de minuscules vaches, en liberté : le long des routes, sur les plages, dans les villages…
L’embouchure du Fango n’a rien d’extraordinaire... Je crois que sa principale caractéristique est d’être le seul secteur plat que je verrai pendant tout le séjour... De nombreux Goélands leucophées vont et viennent, des Corneilles mantelées passent, une par une, alors qu’un Coucou gris chante dans des pentes assez lointaines... Je vois également quelques Hirondelles rustiques, qui semblent assez peu abondantes en Corse ; mais peut-être n’est-ce qu’une impression…
Retour vers Partinello... Très belle route en corniche qui surplombe la mer ou s’en éloigne, au gré de sa progression... Arrêt sur les hauteurs : Martinets noirs, Martinets pâles et Martinets à ventre blanc, ensemble, se déplacent au-dessus du relief, depuis les sommets jusqu’à la mer... Une Bondrée apivore passe assez haut vers le nord…
26 mai
Aujourd’hui : montagne...
Le matin, passage en forêt d’Aïtone, autour et au-dessus de 1000 mètres... Superbes pins Laricio, énormes et de haute futaie... Sous-bois clair, net et lumière subtile... Bingo !... Sur le parking d’un ancien centre de vacances, je trouve tout de suite les Sittelles corses que je cherchais...
Sittelle Corse
Une demi-heure d’observations dans de bonnes conditions, quelques Mésanges noires, des Pinsons des arbres chanteurs et retour vers la voiture, direction Corte...
Sittelle Corse
Traversée de la vallée de Calacuccia, où se montrent de petits groupes d’Etourneaux unicolores, des Geais des chênes, un couple de Huppes fasciées, des Corneilles mantelées, un Pigeon ramier et des Bruants zizi... Pas mal d’espèces assez communes... Je vois également un Milan noir, auquel la présence du grand lac tout proche ne doit pas être indifférente…
Huppe Fasciée
Dans la plupart des villages traversés, peu nombreux toutefois, je note des colonies d’Hirondelles de rochers...
Après Corte, la vallée de la Restonica... Un cirque magnifique, rochers, verdure, torrent et neiges sur les hauteurs... Pourtant, je ne conseille pas cette promenade... C’est comme, souvent avec les balades en montagne indiquées sur les guides : un parking, un torrent, un sentier qui le longe, escarpé et désagréable sous le pied, la montée fastidieuse vers un lac, puis… marche arrière et retour au parking !... Tout ça avec de nombreux randonneurs à la queue leu leu dans la caillasse... Un piège à touristes !... D’habitude, je ne me fais pas avoir : je cherche plutôt les points les plus élevés qu’on peut atteindre en voiture et je pars à pied sur les secteurs d’altitude, moins accidentés, là où l’œil peut se consacrer aux alentours plutôt qu’à la sécurité des pas...
Tant pis, c’est quand même très beau... Sur presque toutes les pierres, des Lézards tyrrhéniens se dorent au soleil, reconnaissables à leur coloration verdâtre plus ou moins prononcée...
Lézard Tyrrhénien
Côté oiseaux, c’est plus pauvre, en tout cas à ce moment de la journée : des Grands corbeaux, un groupe d’une quarantaine de Chocards à bec jaune, inaccessibles de l’autre côté du torrent, des Pinsons des arbres chanteurs assez nombreux dans les pins, une Bergeronnette des ruisseaux… C’est maigre !...
L’après-midi, nous montons au-dessus du village de Lozzi, près de Calacuccia, sur la route du retour, et là, je regrette de n’être pas venu plus tôt et plus longtemps... Personne aux alentours, sinon des vaches et des cochons sauvages, des sentiers tout à fait praticables et la vue qui porte dans toutes les directions… Libre !... J’observe un couple de Pies-grièches écorcheurs dans un pré, des Moineaux cisalpins, des Bruants zizi, des Bruants proyers et des Grands corbeaux, loin dans le ciel... Un couple de Faucons crécerelles cercle devant le Monte Cinto...
Bruant Zizi
Le soir, de retour à la location, je découvre une Tortue d’Hermann qui se heurte obstinément, mais sans grand succés, au grillage du jardin !...
Tortue d'Hermann
27 mai
Nous partons de Porto en début d’après-midi, sur un petit bateau, direction la réserve de Scandola... Sur le quai, des Hirondelles de Fenêtre ramassent de la terre humide pour construire leur nid...
Hirondelle de Fenêtre
La réserve est magnifique : enchevêtrement de mer et de roches déchiquetées, falaises abruptes ou pointes aux formes improbables, eaux parfois d’un bleu d’encre irrationnel...
Pour les oiseaux, c’est moyen... Une grosse population de Goélands leucophées est installée là, avec de nombreux poussins, tout jeunes, posés à même la roche par leurs parents…
Deux Cormorans de Desmaret (version méditerranéenne du cormoran huppé) filent au ras des flots...
Le clou du spectacle, ce sont les Balbuzards pêcheurs – que les autochtones appellent les aigles –... J’en vois plusieurs : en vol, posés sur les corniches des falaises ou installés sur leurs aires, immenses constructions de branchages perchées sur des pitons vertigineux... Je dénombre sept nids... Selon les guides, dix-sept couples nichent dans la réserve, énorme densité pour un périmètre aussi restreint... Hélas, le bateau passe assez loin et secoue pas mal, rendant l’observation délicate...
J’observe aussi un Faucon pèlerin, en vol.
28 mai
Ce matin, retour à la montagne... Le col de Vergio, entre Porto et Calacuccia, à 1450 – 1500 mètres d’altitude... J’aime cet environnement : rochers, végétation basse, arbres rares... Austère... La vue porte...
Les Venturons corses sont très nombreux ici, sur les rochers, au sol et sur les arbustes... Plus nombreux que partout ailleurs...
Venturon Corse
Il y a aussi des Tariers pâtres, un timide Bruant ortolan caché dans un buisson, et des Alouettes lulu... Pas grand-chose en définitive, mais les Venturons corses sont tellement faciles à observer que le détour vaut le coup...
Tarier Pâtre
Nous continuons pas la route vers l’est, traversons Calacuccia, et prenons ensuite la direction du nord... Entre Ponte Leccia et L’Ile Rousse, il y a des collines plus rondes qu’ailleurs et de très nombreux Milans royaux...
Milan Royal
Je souhaite voir le désert des Agriates... Je ne suis pas déçu, j’aime ce milieu... On dirait les Corbières plantées dans la mer... Ce n’est pas un désert au sens littéral du terme, c’est juste un endroit où il n’y a personne, aucune construction et peu d’eau, mais le maquis bas et la garrigue sont là...
Depuis la voiture, je vois une Fauvette sarde en bord de route, sur un buisson... Je m’arrête et elle s’envole... Elle reviendra… Je persuade mon accompagnatrice de patienter un peu et nous nous asseyons de l’autre côté de la route, à l’ombre du relief... La Fauvette sarde revient à plusieurs reprises, trop furtive pour se laisser bien détailler... Elle va et vient et crie souvent derrière nous, au-dessus du surplomb... Je me lève et la vois, tranquille, perchée sur des arbustes... Je décide d’afronter la pente et me lance dans le maquis, en short – trois semaines plus tard, j'en porte encore les stigmates –... J’approche et vois l’oiseau en contre-jour, toujours à son poste… Je contourne le soleil… Et je découvre... un superbe mâle de Fauvette pitchou totalement indifférent à ma présence !... Les deux espèces cohabitent donc sur de tout petits périmètres...
Fauvette Pitchou
29 mai
Journée couverte... La première et la seule...
J’explore les abords de la maison : boisements épais et bas, maquis, jardins... Juste devant la maison un couple de Fauvettes passerinettes nourrit sa progéniture dans un gros massif de pélargoniums...
Fauvette passerinette mâle
Fauvette passerinette femelle
Un peu plus loin, je découvre des Fauvettes à tête noire, invisibles, et des Fauvettes mélanocéphales, souvent chanteuses... Les Pics épeiches sont particulièrement abondants, ainsi que les Tourterelles des bois, très loquaces et souvent installées sur des fils téléphoniques...
Fauvette mélanocéphale
A midi, nous mangeons à Ota, dans un petit restaurant rural, où déjeunent également les enfants de l'école... Un sanglier mijoté extraordinaire !... Relevé aux herbes du maquis, avec de gros haricots Soissons !... Inoubliable !... Ma seule concession épistolaire à la gastronomie !...
Et puis la pluie commence, épaisse, incessante... Cela va durer tout l’après-midi et la toute la nuit... Le lendemain, Ajaccio fera la une des journaux nationaux pour ses inondations… Nous restons enfermés...
30 mai
Dernier jour, demain le départ...
Le matin, je fais un petit tour sur la route en corniche, au nord de Porto... Les Pigeons bisets sont nombreux et très farouches... Posés sur la route mouillée par petits groupes de deux à sept individus, ils s’envolent dès qu’une voiture pointe le bout de son nez dans un virage, pour disparaître derrière un relief ou, dans le meilleur des cas, pour se réfugier hors d’atteinte, très haut dans les falaises, sur des vires inaccessibles... Je ne suis pas un spécialiste de l’espèce, mais je ne doute pas une minute de la nature " authentique " de cette population... Il y a aussi des Monticoles bleus, des Gobemouches gris et des Venturons corses... En bas, sur la mer, les Goélands Leucophées sont nombreux sur les îlots rocheux ou, en groupes, posés sur l’eau... Les Grands corbeaux, comme sur toutes les côtes, se montrent abondants et, me semble-t-il, bien moins farouches que sur le continent...
Grand Corbeau
Le temps s’est partiellement rétabli : couvert, quelques averses, mais globalement, ça va, malgré un sensible rafraîchissement des températures...
Les calanches à nouveau, un petit tour à pied et direction le Capu Rossu, pointe la plus occidentale de l’île... Des airs de Bretagne, avec du maquis bas, des prairies, des chèvres… Etrange, envoûtant... On s'attendrait presque à voir surgir le chien des Baskerville au milieu du maquis !...
Relativement peu d’oiseaux, mais je m’entête sur la Fauvette sarde que je n’ai vue qu'à une reprise, dans le désert des Agriates, dans de mauvaises conditions, très furtive et remuante... Le long du sentier qui mène à la pointe de la presqu’île, je repère un secteur de maquis bas qui semblerait lui convenir... Je suis récompensé : un mâle est cantonné ici, il se déplace dans la végétation et se montre souvent bien en vue, chantant à la cime des buissons les plus hauts... Je suis fier de mon intuition…
Fauvette Sarde
Fin d'après-midi : Porto... Les trois Goélands d'Audoin sont là, les Hirondelles de fenêtre et les Moineaux cisalpins aussi...
Moineau Cisalpin
Le soir à la maison, j’écoute une dernière fois le concert des Petits-ducs...
31 mai
Retour vers Ajaccio pour prendre le bateau en début d’après-midi... Sur la route, des Corneilles mantelées et un Guêpier d’Europe sur un fil électrique, au sud de Cargèse...
A Ajaccio, pique-nique sur la côte rocheuse au nord de la ville, le long de la route qui mène aux îles Sanguinaires... De nombreux Cormorans de Desmaret sont installés sur des îlots rocheux, faciles à observer... Tous les âges sont représentés, notamment des jeunes à poitrine très pâle (principale caractéristique de différenciation de cette sous-espèce)... Les huppes sont absentes ou insignifiantes chez les adultes…
Cormorant Huppé de Desmaret adultes
Cormoran Huppé de Desmaret juvénile
Le bateau arrive, une Corneille mantelée sur le quai, et c’est le départ…
Corneille Mantelée
Dernier contact avec la faune de l’île : quelques Puffins Yelkouan au large d’Ajaccio, sous un ciel gris et dans la lumière laiteuse qui donne à la mer une teinte incertaine...
Puffin Yelkouan